Mohamad Fakih, chef de la direction de Paramount Fine Foods, et membre de l’Ordre du Canada, a été nommé le PDG le plus admiré au Canada en 2019.
M. Fakih croit que trop d’entrepreneurs s’y prennent mal en ne reconnaissant pas que leurs employés sont leurs plus précieux atouts. Il soutient que la réussite ne tarde pas lorsque les membres du personnel sont considérés comme des partenaires et qu’ils se sentent concernés par des causes au-delà de l’entreprise.
Avant de faire plaisir aux actionnaires ou même aux clients, M. Fakih déclare que son objectif est de promouvoir la philosophie axée sur les gens, l’intention et la planète en faisant de son personnel sa priorité.
« Ni les actionnaires ni les résultats financiers ne passent en premiers, explique-t-il. Le plus grand atout d’un chef de la direction devrait être ses employés, car lorsque ceux-ci sont heureux, les clients sont davantage satisfaits, ce qui bénéficie aux actionnaires. »
Selon M. Fakih, les entrepreneurs qui ne remettent pas en cause le statu quo et qui se soucient uniquement des résultats financiers et des actionnaires ne sont pas de vrais entrepreneurs. À son avis, ce titre se mérite par l’innovation et une contribution au-delà des affaires.
M. Fakih attribue à cette approche axée sur le personnel le succès à ce jour de la chaîne de restaurants du Moyen-Orient Paramount ainsi que la croissance de sa marque.
Cette philosophie a motivé bon nombre de ses décisions, notamment l’embauche et la formation de 100 réfugiés syriens dans le cadre d’un partenariat avec Ryerson et Magnet et son soutien actif de diverses causes sociales et politiques.
M. Fakih ajoute que ce faisant, Paramount a non seulement établi une culture où les employés se sentent valorisés et motivés à travailler, mais aussi obtenu le respect de la communauté.
D’après lui, la pandémie a confirmé que son approche priorisant le personnel était le meilleur moyen de servir les clients, la communauté et, par le fait même, les actionnaires.
La philosophie d’affaires de Mohamad Fakih se fonde sur ses origines comme « fier musulman libano-canadien qui a grandi pendant une guerre civile et qui comprend que l’argent n’est pas tout dans la vie ».
Il se rappelle quand, enfant, il a réalisé que pendant le conflit, l’argent ne protégerait pas ceux qui avaient subi de graves pertes ou qui avaient dû tout laisser derrière en fuyant leur terre natale.
« Les gens croient que s’ils vivent dans le château, ils n’ont pas à s’inquiéter, commente-t-il. Mais nous avons réalisé (au cours de la pandémie de COVID‑19) que ce n’est pas le cas, car nous sommes dépendants les uns des autres. »
Malgré des périodes de reprise et de réouverture, le secteur compte encore environ 191 000 postes vacants en date de septembre 2021, car bon nombre de travailleurs ont trouvé des débouchés dans d’autres secteurs, comme les services professionnels.
M. Fakih explique que les travailleurs en restauration sont trop souvent considérés comme remplaçables et le roulement élevé, inévitable. Il ajoute que même avant la pandémie, les employeurs n’admettaient pas que ces emplois pourraient constituer des carrières s’ils étaient empreints d’intention.
« La culture axée sur l’intention motive les employés à venir travailler, insiste-t-il. Une entreprise qui valorise son personnel et s’implique activement dans sa communauté finira par gagner la loyauté de ses clients et la confiance de ses actionnaires. »
Paramount encourage son personnel à présenter des idées sans la présence de la direction « Les dirigeants doivent apprendre de leurs employés plutôt que de s’en tenir à la hiérarchie », affirme M. Fakih. Par exemple, Paramount invite son personnel à proposer des idées selon la technique « arrêter, commencer, continuer », permettant ainsi aux travailleurs de jouer un rôle dans les activités quotidiennes et l’orientation de l’entreprise.
En plus d’autonomiser ses employés, Paramount a honoré son engagement à soutenir des initiatives locales, notamment en fournissant gratuitement des repas à des refuges pour personnes itinérantes et dans le besoin tout au long de la pandémie.
M. Fakih explique que ces initiatives lui servent à inciter son personnel à adopter une intention au-delà des profits et à soutenir les communautés où ils – et les clients – travaillent et vivent.
Mohamad Fakih reconnaît que l’automatisation et la technologie sont inévitables et nécessaires pour assurer la compétitivité du Canada, mais il maintient qu’il ne réduira pas ses effectifs, même si cela était plus lucratif.
Au printemps 2020, lorsque le secteur de la restauration et de l’hôtellerie était en crise, il a ouvert Box’d by Paramount, un restaurant automatisé dans le quartier financier de Toronto qui, dit-il, a entraîné une hausse d’emplois plutôt que des pertes.
Dans le quartier financier, les restaurants connaissent chaque jour de courtes périodes d’achalandage : un afflux de travailleurs en début de journée, puis l’affluence du dîner suivie de la ruée de fin de journée. M. Fakih explique : « Comme il fallait maximiser ces périodes, nous avions besoin de plus de chefs pour préparer la nourriture et d’un plus grand personnel de soutien pour la mise en place et la coordination des commandes. »
Au lieu de l’expérience habituelle qui consiste à commander auprès d’une personne à la caisse pour ensuite récupérer sa commande auprès d’un autre employé, Box’d a éliminé les places assises et les postes en salle à manger, à l’exception d’un concierge qui aide les clients ayant de la difficulté à passer leur commande sur les tablettes disponibles.
Les clients peuvent également utiliser le site Web ou l’application mobile pour passer leur commande avant de se rendre au restaurant pour aller la chercher dans un des nombreux casiers intelligents situés sur le mur arrière.
Le concept de Box’d a donc nécessité un nombre plus élevé d’employés dans la cuisine pour gérer et préparer les commandes, ce qui a ensuite permis d’augmenter la production du restaurant.
« Parce que nous disposons de tant de ces casiers et devons être en mesure de traiter plus de commandes, nous avons pu augmenter notre effectif de 35 % et tripler nos ventes », renchérit M. Fakih.
Il voit le potentiel de ce modèle pour simplifier les services alimentaires tout en créant des emplois et en offrant une valeur ajoutée au client.
« Je préfère économiser sur la décoration et l’espace, et la coordination de plusieurs marques permettrait d’offrir un meilleur service. Une aire de restauration entière pourrait être construite de cette façon. Ça existe déjà ailleurs. »
Mohamad Fakih croit que son engagement envers le développement communautaire est dans son ADN. Il raconte que son père devait se rendre en Syrie afin de se procurer la farine que sa famille utilisait pour faire le pain qu’elle partageait avec tout le voisinage. « Croyez-moi quand je vous dis que la réussite, c’est l’intention, pas seulement l’argent! », s’exclame M. Fakih.
Selon lui, le paysage des affaires actuel a besoin de cette éthique, d’autant plus que la pandémie a donné lieu à la réalisation suivante : « Nous sommes tous dépendants de la santé et de la prospérité de chacun. »
« Les chefs de direction devraient montrer la voie et arrêter de se préoccuper des actionnaires qui pourraient avoir peur que certains propos “trop politiques” nuisent aux profits. Personne ne veut être tenu en otage de cette façon », déclare M. Fakih.
Pour lui, la défense des droits des employés et des communautés où ils vivent et travaillent est essentielle à l’établissement de rapports de confiance et d’une entreprise florissante.
« Votre personnel et vos clients vous surveillent Les clients ne soutiennent plus aveuglément les entreprises. Ils sont favorables à celles qui traitent bien leur personnel et leur communauté. »
Mohamad Fakih sera un conférencier principal au Sommet sur les compétences futures 2022, présenté par le Centre des Compétences futures et le Conference Board du Canada. Apprenez-en davantage et inscrivez-vous ici.