Contribution spéciale de Paul Jenkins, ancien premier sous-gouverneur de la Banque du Canada et membre du comité consultatif de Magnet.
Au lendemain de la pandémie qui a frappé le monde entier, beaucoup pensent que l’économie mondiale, y compris celle du Canada, est parvenue à un point d’inflexion.
Au premier rang des préoccupations figure peut-être la crainte que l’économie mondiale évolue vers un équilibre non coopératif, caractérisé par un nationalisme et une méfiance de plus en plus marqués.
Ces préoccupations s’accompagnent de plusieurs facteurs puissants qui transforment l’avenir de l’économie mondiale.
Le premier facteur de transformation est le déplacement du centre de l’activité économique mondiale, de l’Occident de l’après-guerre vers les pays en voie de développement, en particulier l’Asie, stimulée par l’essor de la Chine.
Le deuxième facteur de transformation essentiel est celui de la révolution numérique. Celle-ci a d’énormes répercussions sur la productivité économique, les modèles de croissance économique, la nature du travail, les configurations de la chaîne d’approvisionnement, et bien d’autres éléments encore.
Deux autres facteurs de transformation décisifs de portée mondiale ont trait à la nécessité d’une transformation énergétique massive, ainsi qu’aux sciences biomédicales et aux sciences de la vie.
Le point commun de ces facteurs de transformation numérique, climatique et biomédicale, réside dans le fait qu’elles sont motivées par les technologies. Ces technologies offrent la possibilité d’être à l’origine d’avantages considérables, y compris la démocratisation des activités et des comportements économiques. Toutefois, elles comportent également des risques potentiels importants sur le plan de l’adaptation à ces technologies.
Le marché du travail canadien est un candidat de choix pour bénéficier de ces technologies. Les caractéristiques économiques et la dynamique du marché du travail canadien ont toujours été complexes. Cela est encore plus vrai au lendemain de la pandémie mondiale.
De nouvelles compétences sont recherchées dans de nombreux secteurs d’activité : l’énergie, les soins de santé, la sécurité, les infrastructures, pour n’en citer que quelques-uns. Ces nouvelles exigences impliquent le recyclage professionnel des membres de notre main-d’œuvre actuelle. Les questions relatives à l’inclusion, à la diversité et à l’équité sont actuellement prises en compte, mais il reste encore beaucoup à faire. Il est primordial d’accélérer la reconnaissance et l’accréditation entre les professions et les frontières provinciales. Les établissements d’enseignement secondaire et postsecondaire ont besoin de moyens pour se tenir au courant des possibilités en constante évolution sur le marché du travail. Les niveaux d’immigration sont en hausse et la dynamique du lieu de travail évolue rapidement.
J’ai récemment eu l’occasion de rejoindre le premier comité consultatif de Magnet, une initiative de Toronto Metropolitan University.
Magnet offre une proposition de valeur unique. Par le biais de services financés par des fonds publics, ses plateformes, entre autres initiatives, soutiennent des milliers d’organisations dans leur rôle d’employeurs, la portée des prestataires de services d’emploi et, bien sûr, les chercheurs d’emploi. La vision de Magnet est d’exploiter la technologie de manière innovante, afin de mettre en relation les personnes et les organisations, et de créer des passerelles permettant de regrouper l’écosystème de l’emploi et de la formation au Canada.
Concrètement, Magnet met à disposition un marché numérique où l’offre et la demande de main-d’œuvre se rejoignent.
De plus, ce marché numérique est un bien public, c’est-à-dire qu’il est accessible à tous les Canadiens d’un bout à l’autre du pays, que l’on parle d’une petite entreprise, d’un étudiant en fin d’études, d’une personne en quête de recyclage professionnel ou d’un organisme communautaire local à but non lucratif.
Les gains potentiels sont considérables pour ce qui est d’aider le Canada à profiter de la vague d’innovations technologiques à l’origine de la transformation de l’économie mondiale. Par ailleurs, ces gains permettent de gérer les perturbations liées à l’adaptation à ces nouvelles technologies.
Grâce à un réseau intégré, les chercheurs d’emploi et les employeurs peuvent entrer en contact, et ce de manière virtuelle. Il suffit de penser aux économies réalisées au niveau microéconomique en matière de recherche d’emploi plus efficace, de jumelage des emplois et des compétences, et de recherche de possibilités de recyclage professionnel. Ajoutons à cela les gains de productivité potentiels au niveau macroéconomique.
Du point de vue économique, la mise en place de ce marché numérique intégré offre un fort potentiel pour améliorer les perspectives de croissance économique du Canada. En bref, il constitue un moyen de parvenir à une fin – à savoir contribuer au bien-être économique et financier de tous les Canadiens.
Paul Jenkins a été premier sous-gouverneur de la Banque du Canada d’avril 2003 jusqu’à son départ à la retraite en avril 2010. À ce titre, il a occupé le poste de chef de l’exploitation de la Banque et, avec le gouverneur, celui de membre du conseil d’administration de la Banque. En tant que membre du Conseil des gouverneurs de la Banque, il a assumé la responsabilité des décisions relatives à la politique monétaire et à la stabilité du système financier, ainsi que celle d’établir l’orientation stratégique de la Banque.