En 2020, les universités et collèges du Canada se sont engagés à prendre des mesures concrètes pour lutter contre le racisme anti-Noirs et promouvoir l’inclusion des Noirs sur les campus. Cet engagement collectif a mené à la création de ta Charte de Scarborough, qui fournit un cadre destiné à aider les établissements d’enseignement postsecondaire à tenir leurs promesses.
La signature récente de la Charte de Scarborough par l’Université Métropolitaine de Toronto marque un moment historique pour l’UMT. Toutefois, la détermination de l’université à lutter contre le racisme anti-Noirs n’est pas un fait nouveau. Magnet s’est entretenu avec Anver Saloojee, coprésident général et porte-parole du Presidential Implementation Committee to Confront Anti-Black Racism (PICCABR), ou Comité présidentiel de mise en œuvre de la lutte contre le racisme anti-Noirs, afin de recueillir son point de vue sur le contexte et le militantisme qui ont mené à la signature de la Charte de Scarborough par l’UMT.
Magnet : Bonjour, Dr Saloojee. Quels sont certains des obstacles auxquels se heurtent les étudiants noirs dans l’enseignement supérieur ?
Anver Saloojee : De nombreux rapports publiés par l’UMT, tels que le Rapport du groupe de travail sur la lutte contre le racisme à l’Université Ryerson (2010), ’examen du climat sur le campus pour lutter contre le racisme anti-Noirs (2020), et l’examen des recommandations de l’examen du climat sur le campus pour lutter contre le racisme anti-Noirs (2021) indiquent clairement que les étudiants noirs rencontrent de nombreux obstacles dans leur participation à l’enseignement supérieur.
Toutes facultés confondues, les étudiants font état de racisme anti-Noirs et de micro-agressions en classe de la part de leurs pairs et des membres du corps professoral. Ils font état d’un programme d’études eurocentrique qui évince les bourses pour étudiants noirs et les études sur la communauté noire. Ils constatent également un manque de représentation et une mauvaise représentation dans le contenu des cours, ainsi qu’un faible nombre de professeurs noirs. Les étudiants ont décrit leur sentiment d’insécurité et leur manque de sentiment d’appartenance sur le campus. Ils ne trouvent pas non plus de ressources et d’aides adaptées et centrées sur les besoins des étudiants noirs.
Toutes ces expériences ont un impact sur la rétention, la promotion, le taux d’obtention de diplôme et la réussite des étudiants en général. Par ailleurs, ces expériences ont des répercussions sur la santé mentale des étudiants, leur bien-être social et émotionnel, leurs perspectives de carrière et leurs moyens de subsistance.
Magnet : Est-ce que la situation a changé au cours des dernières années ?
Anver Saloojee : À mon sens, les étudiants noirs sont aujourd’hui confrontés aux mêmes obstacles que par le passé Toutefois, la façon dont ces obstacles se manifestent a probablement changé au fil du temps. Certaines barrières se sont normalisées dans nos établissements, et nos efforts en tant qu’université doivent tendre à démanteler de manière ciblée les barrières systémiques et institutionnelles sous toutes leurs formes.
Il convient également de reconnaître que les étudiants noirs ne constituent pas une catégorie homogène et que nous devons tenir compte de l’importance de l’intersectionnalité – notamment les enjeux spécifiques et distincts auxquels se heurtent les étudiantes noires, les étudiants noirs musulmans, les étudiants noirs en situation de handicap et les étudiants noirs originaires d’Afrique. En tant que communauté universitaire, nous devons être plus attentifs à ces nuances.
Magnet : Quels sont les obstacles passés et actuels à la participation du personnel noir ?
Anver Saloojee :Le personnel et le corps professoral, tout comme les étudiants, rencontrent des obstacles systémiques et institutionnels, et leur santé, ainsi que leur bien-être social et mental, en pâtissent.
Les obstacles auxquels se heurtent les employés noirs et les employés racisés sont notamment la précarité de l’emploi liée aux contrats de courte durée, des niveaux de rémunération inférieurs pour les emplois à temps partiel comparés à ceux de leurs homologues non racisés, et une hiérarchie d’emploi qui relègue les employés noirs et les employés racisés dans les rangs inférieurs. De plus, le personnel fait état de possibilités d’avancement limitées et du manque de mesures d’adaptation pour les journées importantes sur le plan religieux et culturel.
Le personnel noir et racisé continue à faire l’objet de disparités salariales et fait état de lacunes généralisées en matière de racisme anti-Noirs, de manque d’engagement dans les initiatives de racisme anti-Noirs et de défaut de représentation. Nombreux sont ceux qui ne font pas confiance aux syndicats censés les représenter, et beaucoup ressentent un manque de respect envers le personnel noir.
Magnet : Qu’en est-il des obstacles auxquels se heurtent les professeurs noirs ?
Anver Saloojee : Historiquement, les professeurs noirs ont dû faire face à une culture de favoritisme pénalisant ceux qui étaient exclus du système, et à des processus subjectifs d’évaluation de la titularisation qui leur étaient défavorables. Certains professeurs syndiqués se retrouvent piégés dans un travail académique contingent et précaire. Cette situation a entravé leur capacité à s’exprimer sur la question de l’équité, à effectuer des recherches, et les a rendus moins compétitifs sur le marché du travail universitaire. En outre, à l’Université métropolitaine de Toronto, le corps professoral noir, autochtone et racisé a déclaré qu’il régnait un « climat froid », caractérisé par des stéréotypes, un système de deux poids deux mesures, l’isolement, l’exclusion et la condescendance.
À l’heure actuelle, en Ontario et au Canada, les membres noirs du corps professoral sont sous-représentés. Cela conduit à leur isolement au sein des programmes et des départements. Ils assument des contraintes particulières qui alourdissent leur charge de travail dans le cadre de leurs fonctions, en particulier le mentorat des étudiants noirs. Ils indiquent également devoir composer avec les soupçons de leurs pairs quant à leur expertise.
Magnet : Parlez-moi de l’histoire du PICCABR et de son mandat.
Anver Saloojee:L’histoire du Comité présidentiel de mise en œuvre de la lutte contre le racisme anti-Noirs (PICCABR) s’inscrit dans une période extraordinaire de l’histoire de l’université : celle de la réconciliation et de la volonté d’agir de manière juste envers notre communauté.
En 2019,leBureau du vice-président, de l’équité et de l’inclusion communautaires’est mobilisé pour menerl’examen du climat sur le campus pour lutter contre le racisme anti-Noirs. Cette initiative a été lancée en raison du plaidoyer et du militantisme d’un groupe d’étudiants noirs, appelé Black Liberation Collective.
Les étudiants, le personnel et le corps professoral noirs se sont engagés dans une consultation approfondie menée par le Dr Rinaldo Walcott. Les témoignages et les expériences des participants ont confirmé que le racisme anti-Noirs à l’université se manifestait à travers les programmes d’études, la salle de classe, les progrès des étudiants, ainsi que la promotion et le maintien en poste des professeurs et des employés noirs.
En 2020, lerapport de l’examen du climat sur le campus pour lutter contre le racisme anti-Noirs été publié, mettant en évidence 14 recommandations pour lutter contre le racisme anti-Noirs, tout en créant une expérience universitaire à la fois respectueuse et plus accueillante pour les étudiants, le corps professoral et le personnel noirs. En réponse, le président de l’UMT, Mohamed Lachemi, a créé le PICCABR avec pour mandat de concevoir un plan d’action.
Le PICCABR est composé de trois coprésidents de direction, de trois coprésidents de groupes de travail (un pour les étudiants, un pour le personnel et un pour le corps professoral), de plus de 40 membres de groupes de travail et du groupe consultatif des étudiants noirs.
Magnet : Les engagements de la Charte de Scarborough s’appuient sur le travail déjà mené par le PICCABR. Quelles sont les mesures prises par le PICCABR pour soutenir la Charte et sa mise en œuvre ?
Anver Saloojee : Les trois groupes de travail du PICCABR ont tous élaboré des plans d’action qui permettent à l’UMT de mettre en œuvre avec succès les 14 recommandations et de les intégrer dans la structure de l’université. Par ailleurs, ces plans constituent un engagement concret à l’égard de la Charte de Scarborough, et représentent le cadre de responsabilité interne et externe de l’UMT.
Le PICCABR a récemment publié une mise à jour sur l’avancement des recommandations et des détails sur les plans d’action, ainsi que des informations sur l’avenir des activités du PICCABR. Les plans d’action seront mis à la disposition du public très prochainement.
Magnet : De manière générale, en quoi les établissements d’enseignement supérieur bénéficient-ils des initiatives qui favorisent l’inclusion ?
Anver Saloojee : Il est de plus en plus reconnu que les établissements d’enseignement supérieur ont un rôle important à jouer dans le façonnement et la préparation des sociétés à relever les défis mondiaux, nationaux et locaux. Et puisque nous vivons dans une société mondiale caractérisée par la diversité démocratique et l’interconnexion croissante, je suis convaincu que les établissements d’enseignement supérieur ont tout à gagner en faisant de l’inclusion une vertu.
Lorsque nous favorisons l’inclusion, nous créons un espace et des opportunités pour que les personnes historiquement exclues puissent s’épanouir, et pour que l’université bénéficie d’une excellence inclusive. Lorsque ces personnes s’épanouissent, nous profitons de la diversité et de la richesse de leurs dons et de leurs talents intellectuels, ce qui peut ouvrir la voie à l’innovation. Le fait de promouvoir l’inclusion est une question d’équité et de justice sociale ; nous encourageons également la cohésion sociale et la paix. Par conséquent, dans le contexte de l’enseignement supérieur, l’inclusion fait référence à un processus délibéré et continu, visant à répondre aux besoins et aux aspirations de chaque étudiant, en particulier ceux qui ont été historiquement laissés pour compte ou marginalisés.
Je suis fier de faire partie de l’UMT, qui occupe une position de leader en matière d’équité, de diversité et d’inclusion (EDI). Je suis également fier que l’EDI soit en phase avec la vision stratégique, les objectifs académiques et la mission globale de notre établissement. Je sais bien qu’il reste encore beaucoup à faire, mais nous sommes sur la bonne voie.